Du modeste repas de l’esprit Zen à la cuisine japonaise gastronomique
Kaiseki. Oui, vous avez déjà entendu ce nom et vous savez qu’il s’agit d’une forme de repas japonais un peu compliqué et sophistiqué. Alors je vous raconte pour que vous puissiez en profiter pleinement si vous avez la chance ici ou au Japon d’en déguster un.
Cha Kaiseki, un repas avant la cérémonie de thé
Kaiseki se composent des deux idiogrammes japonaise « Kai » (懐=une partie intérieure de Kimono au niveau de poitrine) et « Seki » (石=une pierre). Il signifie un repas si modeste comme une pierre chaude que les moines de Zen mettaient autrefois dans leur vêtement (qui s’appelle le Késa) pour couper la faim ! Ils ne mangeaient qu’une fois par jour.
Le nom complet, c’est Kaiseki Ryori (la cuisine de Kaiseki). Il a été créé par Senno Rikyu (1522-1591, le fondateur de la cérémonie de thé) à Kyoto. C’est donc un simple repas léger avant la cérémonie de thé, appelé « Cha Kaiseki » (Kaiseki de cérémonie de thé) pour distinguer avec l’image de Kaiseki d’aujourd’hui, un grand repas japonais gastronomique. Il est servi uniquement à la cérémonie de thé.
J’ai eu la chance de déguster « Cha Kaiseki » chez une Maître de Thé dans la campagne de Tokyo. Elle officie toujours malgré ses 90 ans et m’a préparé et servi elle-même ce repas dans le pavillon de thé de son jardin, chaque plat étant décoré des modestes fleurs du jardin.
Une forme de repas complexe et codifié
Kaiseki est une forme de repas japonais complexe et sophistiqué, qui propose successivement un nombre parfois important de petits plats dans un ordre relativement codifié. Très souvent il comporte des mets rares ou cuisinés de façon spéciale, l’équivalent de la grande cuisine française et donne son identité à celui qui le sert.
Comme toujours c’est assez codifié dans le respect des traditions et l’idée de la Saison est toujours présente : on choisit les mets disponibles à ce moment-là, car il y a l’idée d’harmonie avec le moment où on prend ce repas.
De nos jours, le même mot désigne un rassemblement de mets dont le choix, la logique, les couleurs sont laissés à l’appréciation de celui qui crée et sert ce repas. Les clients mangent donc ce qui est servi. C’est l’origine du mot «Omakasé » qui est très à la mode dans les restaurants gastronomiques en France.
Une oeuvre d’art culinaire
C’est un peu une œuvre d’art culinaire que l’on déguste en deux heures environ, la préparation pouvant être plus longue encore !
On mobilise une vaisselle importante, autour d’une vingtaine de céramiques, laques ou pièces en verre, par personne pour ce repas. Les couleurs et matériaux choisis par le maître de maison ou le restaurateur reflètent son identité. Il y a en général un assortiment des petits plats froids (Sakizuké) pour commencer, ensuite un bouillon clair servi dans un bol en laque fermé avec un couvercle, puis une suite de petits plats commençant par des poissons, en cru (Sashimi) et cuit, puis divers légumes qui accompagnent la viande ou le tofu-pâte de soja dont la fonction est de préparer le palais au plat suivant…
Vous avez encore faim après tout ça ? alors on va vous servir le riz avec une soupe Miso et légumes salés (Tsukemono) qui est le signal de la fin du repas, il vous sera proposé en quantité… On termine le repas avec un bol de thé Matcha et un petit gâteau japonais ou tout simplement avec un petit dessert de fruit.
On vous apportera successivement tous ces plats de façon régulière mais en vous laissant le temps de respirer entre deux.
Il s’agit là essentiellement du dîner. A midi les restaurants de Kaiseki proposent un ensemble plus léger déjà préparé sur un plateau. Leur nombre est plus réduit.
Kaiseki avec la vaisselle de Bizen
Il y a plusieurs sortes de restaurants de Kaiseki au Japon notamment à Kyoto. Parmi mes différentes expériences ; de la vraie grande cuisine jusqu’au Kaiseki pas très cher pour les touristes, j’ai été particulièrement séduit par un dîner en bord de mer, près de « Bizen », haut-lieu de la céramique japonaise, dans un Ryokan (auberge de bonne qualité) fréquenté autrefois par les Trésors Nationaux vivants de céramique Bizen.
La table était un immense tronc d’arbre très près du sol qui aurait pu accueillir une bonne douzaine de personnes. Une infinité de petits plats se sont succédés ; crustacé, crevettes vivantes, poissons d’une transparence cristalline, champignons frits et tout petits légumes verts. Ils ont été présentés tous dans la céramique Bizen. Un inoubliable souvenir !
Pour profiter de cet univers raffiné, ce repas est souvent servi dans une salle privée… bon tout cela n’est pas donné vous vous en doutiez !
Mais c’est absolument inoubliable…
Céramiste, photographe. A crée le site avec Hiroko.
Aime la beauté des choses et la vie des êtres.
Plongé depuis bien longtemps dans la vie culturelle et quotidienne japonaise.
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