Ikebana, c’est probablement un nom que vous avez déjà entendu à propos de la culture japonaise. C’est en fait ce qu’on appelle en français, l’art floral, mais qui est beaucoup plus que cela dans la culture du Japon.
Bien sûr, les bouquets français ont aussi une composition florale, mais c’est le plus souvent leur profusion et le jeu des couleurs qui fait leur style artistique.
Comment fait-on ?
Pour commencer un bouquet d’ikebana, il faut se rappeler qu’au Japon, tout marche par chiffres impairs, contrairement à la culture occidentale. Le plus simple ikebana, va donc comporter trois branches de tailles et de courbures différentes dont les noms Tai-Yo-Tome c’est-à-dire, ciel-homme-terre correspond à une véritable symbolique liée au bouddhisme .
Cela paraît simple, comme ça, bien que la longueur des branches, leur courbure soit déjà sujette à un travail sophistiqué, mais en fait trois branches, ça n’est que la base. Ensuite on rajoute deux, ça fait cinq. Puis deux cela fait sept et encore deux, et là ça se complique. On arrive à neuf branches les dernières devant s’insérer harmonieusement pour contribuer à l’équilibre flottant presque comme un nuage de ce jeu de branches, de tiges et de fleurs.
Des règles et de la liberté
Car en fait hors de ces règles de composition, tout est permis, de la simple petite fleur à la vieille grosses branche morte moussue. Tout peut être utilisé notamment suivant la saison et le lieu où l’on se trouve puisque traditionnellement dans l’Art du Thé on utilise ce que la nature vous propose là où vous êtes.
La maîtrise de l’ikebana passe bien sûr, par un véritable enseignement et un entraînement solide. J’ai eu l’occasion, la chance, d’être admis pour une journée dans une prestigieuse école de Kyoto « Saga Goryu *» (嵯峨御流).
Dans la salle de classe, mon nom était écrit en japonais en gros sur le tableau. La professeure principale, croyant bien faire, a informé la salle de la présence d’un étranger (gaijin) ; ça m’a mis une pression d’enfer car tout le monde s’est mis à me regarder travailler. Je suis arrivé à la fin des neuf branches avec un peu d’inquiétude, les courbures et l’équilibre de l’ensemble, devenant vraiment difficile à maîtriser au-delà de ce nombre.
Art et spectacle
L’ikebana, l’Art de l’ikebana donne lieu à des expositions tout à fait extraordinaires, les plus belles d’entre elles étant souvent à l’étage d’exposition des prestigieux grands magasins comme les aiment les Japonais. Le public s’y presse et les maîtres de thé y viennent souvent avec leurs élèves, afin de leur faire ressentir la dimension esthétique traditionnelle de cette discipline. Je me trouvais un jour seul à l’entrée d’une de ces expositions un peu intimidé et sans trop imaginer ce qu’il y avait à l’intérieur. Une élégante japonaise un peu âgée, habillée avec un très beau kimono de soie traditionnel, s’est tournée vers moi et voyant mon hésitation à entrer m’a offert un billet en me saluant légèrement. J’ai été aussi ému que surpris !
Des fleurs ET des vases
Dans l’ikebana, ce n’est pas seulement l’art du bouquet, l’art floral qui sont en jeu, mais aussi, puisqu’il s’agit de fleurs et de branches vivantes, du récipient, destiné à les recevoir avec l’eau qui assure leur conservation. Toutes les formes et les couleurs de céramiques, matériau utilisé le plus souvent, sont admise et leur créativité va avec celle du bouquet. Dialogue des formes, dialogue des couleurs.
Petits secrets…
Mais comment donc tiennent ces branches fleuries qui ont l’air de sortir du vase comme un jet d’eau et de tenir en l’air comme par miracle ? Eh bien il y a aussi quelques petits secrets et accessoires pour cela. Tout d’abord des blocs hérissés de petites piques en plastique mais mieux encore en cuivre qui va assurer la conservation biologique de l’eau : on pique les tiges et les branches dedans. Cet outil s’appelle « Kenzan » (剣山) Ce qui permet de les stabiliser et de leur donner l’orientation souhaitée. Il y a aussi de fines fourches de bambou que l’on peut glisser à l’intérieur d’un vase à col qui permet de maintenir en air les longues tiges, qui s’élancent hors du vase.
Dans les maisons japonaises est souvent présent, un petit ikebana, généralement située dans le Tokonoma (voir mon blog sur le Tokonoma) et qui assure cette présence symbolique culturelle et religieuse. Il en figure aussi de très beaux dans l’entrée des restaurants pour accueillir les visiteurs et qui signent l’identité du lieu.
Enfin, contrairement à l’orgueil coloré des grands bouquets à la française, il faut aussi imaginer l’humilité de petites compositions florales faites avec les fleurs du coin, mais qui ont cette magie d’harmonie et du respect de la nature.
Saga go-ryu (嵯峨御流) :
Une des écoles d’Ikebana au Japon, fondée par l’empereur Saga au 9ème siècle au temple Daikakuji à Sagano au nord de Kyoto.
L’école principale se trouve toujours dans ce magnifique temple connu pour
son grand étang artificiel d’Osawa (2.4 ha).
Céramiste, photographe. A crée le site avec Hiroko.
Aime la beauté des choses et la vie des êtres.
Plongé depuis bien longtemps dans la vie culturelle et quotidienne japonaise.
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